Quand on pilote un business, on passe une partie déraisonnable de ses journées dans sa boîte mail. Autant dire qu’un bon client mail n’est pas un « nice to have », mais un outil stratégique. Parmi les solutions gratuites et open source, Thunderbird reste un incontournable. Mais est-ce encore un bon choix en 2025 pour une PME, une agence ou un indépendant ? Voyons ça en détail.
Thunderbird en bref : c’est quoi exactement ?
Thunderbird est un client de messagerie open source développé à l’origine par Mozilla (la fondation derrière Firefox), aujourd’hui porté par une structure dédiée, MZLA Technologies. Il permet de gérer plusieurs comptes mail (IMAP/POP), des calendriers, des contacts et même certains services de messagerie instantanée, le tout depuis une seule interface.
C’est un logiciel à installer sur votre ordinateur (Windows, macOS, Linux). Il ne remplace pas votre fournisseur d’e-mails (Gmail, Outlook, OVH, Infomaniak, etc.), mais sert d’interface pour centraliser et organiser tout ça intelligemment.
Les vrais points forts de Thunderbird pour un usage pro
Thunderbird n’est pas parfait, mais il a des atouts solides, surtout pour un public « business » qui veut garder le contrôle de ses données et de ses outils.
Open source, gratuit… et sans publicité
Pas de licence à payer, pas d’édition « freemium » frustrante, pas de publicité intégrée. Pour une petite structure ou un indépendant, c’est un argument de poids :
- aucun coût par utilisateur
- pas de facture surprise en cas d’ajout de compte ou de fonctionnalité
- une communauté active qui contribue au code, à la sécurité et aux extensions
Pour les entreprises qui ont adopté une culture open source (ou qui veulent limiter les solutions propriétaires), c’est un vrai plus.
Gestion multi-comptes très robuste
Si vous gérez plusieurs adresses (contact@, support@, prénom@, + vos projets ou clients), Thunderbird est très à l’aise :
- gestion illimitée de comptes IMAP/POP
- possibilité de regrouper plusieurs boîtes dans une « boîte globale »
- filtres et dossiers virtuels pour suivre vos priorités (par client, projet, canal, etc.)
Typiquement, pour une agence ou un freelance qui gère plusieurs domaines ou boîtes partagées, le confort est réel.
Filtres puissants et automatisation simple
Thunderbird permet de créer des règles très précises pour garder votre boîte propre sans passer votre vie à trier :
- rediriger automatiquement certains mails vers des dossiers (par client, par projet, par équipe)
- ajouter des étiquettes de couleur (urgent, à traiter, à archiver, compta…)
- déclencher des actions en fonction de l’expéditeur, du sujet, du contenu, etc.
Ce n’est pas un outil d’automatisation avancé à la « Zapier », mais pour gérer un flux de mails quotidien, c’est efficace.
Respect de la vie privée et contrôle des données
Pour les entreprises sensibles aux enjeux de confidentialité, Thunderbird a de sérieux arguments :
- vos mails sont stockés en local (sur votre machine), en plus du serveur de votre fournisseur
- pas de scan publicitaire de vos messages
- prise en charge du chiffrement (OpenPGP, S/MIME) pour sécuriser certains échanges
Dans certains secteurs (santé, juridique, consulting), c’est un point non négociable.
Customisation et extensions
Comme Firefox, Thunderbird bénéficie d’un écosystème d’extensions qui permettent d’ajouter :
- des intégrations avec des calendriers (Google Calendar, Nextcloud, etc.)
- des outils de productivité (templates d’e-mails, réponses rapides, suivi des envois)
- des fonctionnalités avancées (signatures HTML évoluées, modules de CRM léger, etc.)
Ce n’est pas aussi riche qu’un App Store d’outils SaaS, mais on peut façonner un environnement de travail très confortable.
Mode hors ligne ultra pratique
Vous pouvez consulter vos messages, préparer des réponses et trier vos dossiers même sans connexion. À la prochaine synchronisation, tout est envoyé et mis à jour. Pour celles et ceux qui voyagent souvent ou ont une connexion peu fiable, c’est un vrai avantage par rapport à des interfaces 100 % web.
Les limites de Thunderbird qu’il faut avoir en tête
Avant de migrer toute une équipe dessus, il est important d’être lucide sur ce que Thunderbird ne fait pas (ou pas très bien).
Interface un peu datée (même si ça évolue)
Les dernières versions ont fait des efforts, mais on reste loin du « polish » d’un Gmail ou d’un Outlook en mode Microsoft 365. Concrètement :
- l’ergonomie est parfois complexe pour des débutants non techniques
- certains menus ne sont pas intuitifs (config, filtres, modèles…)
- la personnalisation de l’affichage demande un peu de temps
Pour des équipes habituées à des interfaces SaaS très lisses, il peut y avoir une phase d’adaptation.
Pas un outil de collaboration moderne
Thunderbird gère les mails, les calendriers et les tâches basiques, mais :
- il ne propose pas de vues « team inbox » avancées façon Front ou Missive
- il n’y a pas de mentions, de commentaires internes intégrés à un fil (comme dans certains outils de support)
- la gestion des dossiers partagés, des droits, des délégations reste dépendante du serveur mail sous-jacent
Si votre équipe vit dans Slack, Notion, Asana, HubSpot… Thunderbird ne sera qu’un maillon de la chaîne, pas le hub central de collaboration.
Intégrations « business » limitées
Thunderbird n’est pas natif dans les écosystèmes que beaucoup d’entreprises utilisent aujourd’hui :
- pas d’intégration directe avec la plupart des CRM en mode SaaS (HubSpot, Pipedrive, Sellsy), sauf via connecteurs ou extensions parfois fragiles
- pas de connexion standard avec les outils d’analytics sales ou marketing
- peu d’automatisations « prêtes à l’emploi » par rapport à un Gmail connecté à Zapier/Make
Si vos process commerciaux et marketing reposent déjà fortement sur Google Workspace ou Microsoft 365, Thunderbird peut vite sembler à contre-courant.
Maintenance locale et sauvegardes à gérer
Avec un client lourd, la responsabilité de l’environnement local vous revient :
- il faut prévoir une stratégie de sauvegarde des profils Thunderbird (surtout si vous stockez des archives locales)
- les migrations vers un nouveau poste doivent être anticipées
- la sécurité de la machine (chiffrement du disque, antivirus, droits d’accès) doit être irréprochable
Rien d’insurmontable, mais dans une PME sans support IT dédié, cela peut devenir un irritant.
Gestion des signatures et de la charte parfois laborieuse
Pour les entreprises qui veulent imposer une charte mail cohérente (logo, mentions légales, disclaimers), Thunderbird :
- permet de gérer des signatures HTML par compte
- mais ne propose pas de gestion centralisée sur toute l’équipe
- requiert souvent quelques essais/erreurs pour obtenir un rendu parfait sur tous les clients mail
Dans un contexte d’équipe, on préfèrera parfois des solutions avec gestion centralisée des signatures au niveau du serveur (Google Workspace, Microsoft 365, outils tiers).
Pour qui Thunderbird est-il particulièrement adapté ?
Thunderbird ne sera pas la solution idéale pour tout le monde, mais dans certains cas, c’est un excellent choix.
Les freelances et consultants multi-projets
Si vous gérez plusieurs casquettes (agence, side project, missions clients) :
- la gestion multi-comptes vous simplifie la vie
- les filtres vous aident à garder un œil sur chaque projet sans vous noyer
- vous gardez vos mails en local, même si un client supprime un accès serveur
C’est une façon de garder votre historique professionnel sous contrôle, indépendamment des outils de vos clients.
Les petites structures qui veulent limiter les coûts logiciels
Quand on lance une activité, chaque licence payante compte. Si vous utilisez déjà :
- un hébergeur mail (OVH, Infomaniak, Planethoster…)
- un nom de domaine pour votre marque
…Thunderbird vous permet de tirer le maximum de vos boîtes mail, sans passer immédiatement sur un écosystème type Microsoft 365 ou Google Workspace payant.
Les organisations sensibles à la confidentialité
Cabinets d’avocats, professions médicales, cabinets de conseil… Pour ces profils :
- la possibilité de chiffrer certains échanges
- le stockage local des messages
- l’absence de modèle économique basé sur la donnée
…font de Thunderbird une option très crédible, à condition de sécuriser l’environnement poste de travail.
Les principales alternatives à Thunderbird à considérer
Si vous hésitez encore, voici un panorama des alternatives sérieuses, avec leur positionnement par rapport à Thunderbird.
Gmail (via navigateur) et Google Workspace
C’est probablement l’alternative la plus courante.
- Interface moderne, très fluide, accessible partout
- Intégration native avec Google Drive, Meet, Calendar, Docs, etc.
- Énorme écosystème d’apps connectées (CRM, marketing automation…)
En revanche :
- dépendance forte à Google et au cloud
- données hébergées chez Google (enjeux de confidentialité, RGPD à examiner)
- abonnement payant par utilisateur si vous utilisez la version Workspace pro
À privilégier si vos équipes sont déjà très « cloud » et collaborent en continu sur les outils Google.
Outlook (Microsoft 365)
La référence historique côté entreprise.
- Client lourd performant (Windows surtout), interface connue de beaucoup de collaborateurs
- Intégration profonde avec Teams, OneDrive, SharePoint
- Fonctionnalités avancées de calendriers partagés, de délégation, de boîtes communes
Ses limites :
- coût par utilisateur (licence Microsoft 365)
- complexité de l’environnement pour des petites structures sans IT
- dépendance à l’écosystème Microsoft
À envisager pour des entreprises déjà engagées dans Microsoft 365 ou qui ont des besoins de collaboration très avancés.
Mailbird, eM Client et autres clients propriétaires
Il existe plusieurs clients mail « modernes » sur Windows (Mailbird, eM Client, Postbox…) qui promettent :
- une interface plus contemporaine que Thunderbird
- des intégrations natives avec plusieurs services (Slack, WhatsApp, calendriers…)
- des fonctionnalités de productivité (snooze, envoi différé, etc.)
En contrepartie :
- licence payante (souvent par poste ou par an)
- code propriétaire, dépendance à l’éditeur
- communautés et écosystèmes plus limités que Thunderbird
Intéressant si vous cherchez une expérience plus « jolie » et clé en main, sans la philosophie open source.
Clients dits orientés « collaboration » (Spark, Front, Missive…)
Ces outils visent un usage en équipe plus que la simple gestion de mails.
- boîtes partagées pour le support ou les ventes
- commentaires internes sur les mails
- assignation de conversations à des membres de l’équipe
En revanche :
- abonnements généralement plus chers, surtout dès qu’on ajoute plusieurs utilisateurs
- dépendance forte au cloud de l’éditeur
- migration plus lourde si un jour vous voulez en sortir
À réserver aux équipes orientées service client / sales qui traitent le mail comme un canal de travail collaboratif.
Comment décider si Thunderbird est le bon choix pour vous ?
Pour trancher, quelques questions simples à vous poser.
Votre priorité, c’est le budget ou la collaboration avancée ?
- Si votre priorité n°1 est de réduire les coûts tout en gardant un outil solide : Thunderbird marque des points.
- Si votre priorité est la collaboration temps réel, avec commentaires, mentions, intégrations CRM : vous serez probablement plus heureux avec un Gmail/Outlook + outils dédiés.
Vos équipes sont-elles à l’aise avec les outils techniques ?
- Si vous avez un minimum de culture IT en interne, Thunderbird se déploie et se maintient très bien.
- Si vos utilisateurs sont très peu à l’aise avec la technique, un environnement plus « guidé » (Google Workspace, Microsoft 365) sera parfois moins énergivore.
La confidentialité des données est-elle un enjeu central ?
- Si vous manipulez des informations sensibles ou confidentielles, la combinaison serveur mail maitrisé + Thunderbird peut être très pertinente.
- Si vos données sont déjà massivement hébergées chez Google ou Microsoft, Thunderbird ne changera pas radicalement le sujet.
Vous êtes prêt à composer avec quelles limites ?
Comme pour tout outil, il s’agit surtout de choisir les limites avec lesquelles vous êtes prêt à vivre. Avec Thunderbird, vous acceptez :
- une interface parfois un peu rugueuse
- moins d’intégrations « plug-and-play » avec vos outils SaaS
- un peu plus de responsabilité sur la sauvegarde et la configuration
En échange, vous gagnez :
- un outil gratuit, pérenne et open source
- un contrôle fort sur vos données
- une excellente gestion des multi-comptes et des flux de mails importants
Faut-il passer (ou rester) sur Thunderbird pour votre activité ? Mon avis
Pour un usage professionnel, Thunderbird reste une valeur sûre à condition d’être en phase avec sa philosophie : un outil sérieux, flexible, très configurable, mais qui ne cherche pas à vous enfermer dans un écosystème.
Je le recommande particulièrement :
- aux freelances, consultants, agences qui jonglent avec plusieurs boîtes mail et projets
- aux petites entreprises qui veulent un environnement professionnel sans multiplier les abonnements
- aux organisations pour qui la confidentialité et le contrôle des données ne sont pas negotiables
En revanche, si votre stratégie de croissance repose déjà sur des outils cloud très intégrés (CRM, marketing automation, outils de vente), et que votre équipe vit dans Google Workspace ou Microsoft 365, vous gagnerez souvent à rester dans ces écosystèmes, même si Thunderbird peut toujours servir de client local ponctuel.
Comme souvent en marketing digital et en organisation, le « meilleur » outil n’est pas celui qui coche le plus de cases sur le papier, mais celui qui s’insère le plus naturellement dans vos process, votre culture et vos contraintes. Thunderbird ne fera pas de miracles en termes de productivité si vos process mail sont chaotiques, mais dans une organisation un minimum structurée, il peut vous offrir un excellent rapport liberté/coût/fiabilité.
